5

 

Chaque fois que Rashek tenta d’améliorer les choses, il les aggrava. Il dut modifier les plantes du monde afin qu’elles puissent survivre à ce nouvel environnement plus rude. Cependant, ce changement les rendit moins nourrissantes pour l’humanité. En effet, les chutes de cendre rendraient les hommes malades et les feraient tousser comme ceux qui passent trop de temps à miner sous terre. Rashek modifia donc l’humanité elle-même, de sorte qu’elle survive.

 

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Agenouillé près de l’Inquisiteur vaincu, Elend s’efforçait d’ignorer l’atroce apparence de ce qui restait de sa tête. Quand Vin s’approcha, il remarqua la blessure à son avant-bras. Comme d’habitude, elle ignorait presque la plaie.

L’armée silencieuse des koloss occupait le champ de bataille tout autour d’eux. Elend n’était toujours pas très à l’aise avec l’idée de contrôler ces créatures. Il se sentait… souillé par le simple fait de s’associer à elles. C’était pourtant la seule méthode.

— Quelque chose ne tourne pas rond, Elend, déclara Vin.

Il leva les yeux du cadavre.

— Quoi donc ? Tu crois qu’il pourrait y en avoir un autre dans les parages ?

Elle secoua la tête.

— Ce n’est pas ça. L’Inquisiteur bougeait trop vite, sur la fin. Allomancien ou pas, je n’ai jamais vu quelqu’un posséder une telle vitesse.

— Sans doute grâce au duralumin, répondit Elend en baissant de nouveau les yeux.

Pendant un moment, Vin et lui avaient possédé l’avantage, car ils avaient accès à un métal dont les Inquisiteurs ignoraient l’existence. Les rapports indiquaient à présent qu’ils avaient perdu cet avantage.

Fort heureusement, il leur restait l’électrum. C’était grâce au Seigneur Maître, en réalité. L’atium du pauvre. Normalement, un allomancien qui brûlait de l’atium était pratiquement invincible – seul un autre allomancien brûlant le même métal pouvait le battre. À moins, bien entendu, de posséder de l’électrum. Ce métal n’accordait pas la même invincibilité que l’atium – qui permettait aux allomanciens d’y voir un peu plus loin dans l’avenir – mais il immunisait bel et bien contre l’atium.

— Elend, dit Vin en s’agenouillant, ce n’était pas du duralumin. L’Inquisiteur bougeait trop vite même pour ça.

Elend fronça les sourcils. Il n’avait vu bouger l’Inquisiteur que du coin de l’œil, mais il n’était tout de même pas si rapide que ça. Vin avait tendance à se montrer paranoïaque et à s’attendre au pire.

Bien entendu, elle avait aussi tendance à ne pas se tromper.

Elle agrippa l’avant de la robe du cadavre qu’elle déchira.

— Vin ! Un peu de respect pour les morts !

— Je n’en ai pas pour ces créatures-là, et je n’en aurai jamais. Tu as vu comme il a essayé d’utiliser une de ses tiges pour te tuer ?

— C’était effectivement très curieux. Il avait peut-être le sentiment qu’il ne pourrait jamais atteindre ses haches à temps.

— Tiens, regarde.

Elend se retourna. L’Inquisiteur possédait les tiges habituelles – trois plantées dans les côtes de chaque côté du torse. Mais… il y en avait une autre – qu’Elend n’avait vue sur aucun autre cadavre d’Inquisiteur – enfoncée en plein milieu de la poitrine de la créature.

Seigneur Maître ! se dit Elend. Celle-là devait lui traverser le cœur. Comment a-t-il survécu ? Bien entendu, si deux tiges à travers le cerveau ne l’avaient pas tué, il était probable qu’une tige plantée dans le cœur ne le fasse pas non plus.

Vin tira sur l’une des tiges pour la dégager. Elend grimaça. Elle la brandit d’un air songeur.

— Du potin, déclara-t-elle.

— Vraiment ? demanda Elend.

Elle hocha la tête.

— Ce qui nous fait dix tiges. Deux dans les yeux et une dans les épaules : toutes sont en acier. Six dans les côtes : deux d’acier, quatre de bronze. Et maintenant celle-ci, en potin – sans parler de celle qu’il a essayé d’utiliser contre toi, et qui semble être en acier.

Elend étudia la tige qu’elle tenait. En matière d’allomancie et de ferrochimie, les différents métaux produisaient différents effets – il ne pouvait que supposer que le type de métal employé pour les différentes tiges soit également important chez les Inquisiteurs.

— Peut-être qu’ils n’utilisent pas l’allomancie, mais une sorte de… troisième pouvoir.

— Possible, répondit Vin, qui reprit la tige et se leva. Nous allons devoir lui ouvrir l’estomac pour voir s’il avait de l’atium.

— Peut-être que celui-ci en aura enfin.

Ils brûlaient toujours de l’électrum par précaution ; jusqu’à présent, aucun des Inquisiteurs qu’ils avaient rencontrés ne possédait d’atium.

Vin secoua la tête, étudiant le champ de bataille couvert de cendres.

— Quelque chose nous échappe, Elend. Nous sommes comme des enfants qui jouent à un jeu que nous avons vu nos parents pratiquer, mais sans vraiment en connaître les règles. Et… c’est notre adversaire qui a créé ces règles.

Elend contourna le cadavre pour s’approcher d’elle.

— Vin, nous ne sommes même pas sûrs qu’elle soit encore dans les parages. Cette chose que nous avons vue l’année dernière au Puits… peut-être qu’elle a disparu. Peut-être qu’elle est partie, maintenant qu’elle est libre. C’était peut-être tout ce qu’elle voulait.

Vin le regarda. Il lisait dans ses yeux qu’elle n’y croyait pas. Peut-être lisait-elle dans les siens que lui non plus n’y croyait pas vraiment.

— Elle est là, Elend, chuchota-t-elle. Elle dirige les Inquisiteurs ; elle sait ce qu’on est en train de faire. C’est pour ça que les koloss se dirigent toujours vers les mêmes villes que nous. Elle exerce un pouvoir sur le monde – elle peut changer des textes qui ont été écrits, créer des malentendus pour nous égarer. Elle connaît nos projets.

Elend lui posa la main sur l’épaule.

— Mais aujourd’hui, nous l’avons battue – et puis, elle nous a envoyé cette armée de koloss qui nous sera bien utile.

— Et combien d’humains avons-nous perdus en essayant de capturer cette armée ?

Elend n’eut pas besoin de répondre tout haut. Beaucoup trop. Leurs effectifs diminuaient. Les brumes – l’Insondable – gagnaient en puissance, étouffaient des gens au hasard, tuaient les cultures de ceux qui restaient. Les Dominats Externes étaient à l’abandon – seuls ceux qui vivaient le plus près de la capitale, Luthadel, avaient encore assez de lumière pour faire pousser de quoi manger. Et même cette zone habitable rétrécissait.

L’espoir, songea Elend avec insistance. C’est de ça qu’elle a besoin venant de moi ; ça a toujours été le cas. Il resserra sa prise sur son épaule, puis l’attira pour l’étreindre.

— Nous allons la battre, Vin. Nous allons trouver un moyen.

Elle ne le contredit pas, mais elle n’était manifestement pas convaincue. Malgré tout, elle se laissa étreindre, ferma les yeux et reposa la tête sur son épaule. Ils se tenaient sur le champ de bataille devant leurs adversaires vaincus, mais Elend devait bien reconnaître lui-même qu’il n’y voyait pas une grande victoire. Pas alors que le monde s’effondrait autour d’eux.

L’espoir ! se répéta-t-il. J’appartiens désormais à l’Église du Survivant. Elle ne possède qu’un commandement primordial.

Survivre.

— Donne-moi un des koloss, dit enfin Vin en s’extirpant de son étreinte.

Elend libéra l’une des créatures de taille moyenne et laissa Vin en prendre le contrôle. Une fois qu’il maîtrisait un koloss, il pouvait le faire indéfiniment – qu’il dorme ou soit éveillé, qu’il brûle ou non des métaux. Tant de choses lui échappaient au sujet de l’allomancie. Il n’utilisait ses pouvoirs que depuis un an et avait été distrait par la nécessité de diriger un empire et d’essayer de nourrir son peuple, sans parler des guerres. Il n’avait pas vraiment eu le temps de s’entraîner.

Mais bien sûr, Vin avait eu encore moins de temps pour se former avant de tuer le Seigneur Maître en personne. Vin était toutefois un cas particulier. Elle employait l’allomancie aussi facilement que d’autres respiraient ; c’était moins pour elle un talent qu’une extension de sa nature. Elend était peut-être plus puissant – elle insistait toujours sur ce point – mais c’était elle la virtuose.

Le koloss isolé de Vin alla ramasser le cadavre de l’Inquisiteur ainsi que la tige. Puis Elend et Vin descendirent la colline – suivis par le serviteur koloss de Vin – en direction de l’armée humaine. Sur les ordres d’Elend, les troupes de koloss s’écartèrent pour les laisser passer. Il réprima un frisson alors même qu’il les contrôlait.

Fatren, l’homme malpropre qui dirigeait la ville, avait eu l’idée de mettre au point une unité de triage – quoique Elend n’ait qu’une confiance limitée en les capacités d’un groupe de chirurgiens skaa.

— Pourquoi se sont-ils arrêtés ? demanda Fatren, qui se tenait devant ses hommes tandis qu’Elend et Vin approchaient en foulant le sol taché de cendre.

— Je vous ai promis une seconde armée, lord Fatren, répondit Elend. Eh bien, la voici.

— Les koloss ? demanda-t-il.

Elend hocha la tête.

— Mais c’est une armée venue nous détruire.

— Et maintenant, elle est à nous, répliqua Elend. Vos hommes s’en sont très bien sortis. Assurez-vous qu’ils comprennent que cette victoire leur appartient. Nous devions forcer cet Inquisiteur à se dévoiler, et la seule manière d’y parvenir consistait à retourner son armée contre elle-même. Les koloss ont pris peur quand ils ont vu quelque chose de petit vaincre quelque chose de gros. Vos hommes se sont battus courageusement ; grâce à eux, ces koloss sont à nous.

Fatren se gratta le menton.

— Donc, dit-il lentement, ils ont eu peur de nous, suite à quoi ils ont changé de camp ?

— Quelque chose comme ça, répondit Elend en étudiant les soldats, avant d’ordonner mentalement à plusieurs koloss de s’avancer. Ces créatures vont obéir aux ordres des hommes de ce groupe. Demandez-leur de transporter vos blessés dans la ville. Toutefois, assurez-vous de ne pas laisser vos hommes attaquer ou punir les koloss. Ce sont nos serviteurs à présent, compris ?

Fatren hocha la tête.

— Allons-y, dit Vin d’une voix impatiente tandis qu’elle étudiait la petite ville.

— Lord Fatren, voulez-vous nous accompagner, ou préférez-vous superviser vos hommes ? demanda Elend.

Fatren plissa les yeux.

— Qu’allez-vous faire ?

— Il y a quelque chose dans votre ville que nous devons récupérer.

Fatren hésita.

— Dans ce cas, je vous accompagne.

Il donna quelques ordres à ses hommes tandis que Vin s’impatientait. Elend la gratifia d’un sourire, puis Fatren les rejoignit enfin, et tous trois se dirigèrent vers la porte de Vetitan.

— Lord Fatren, reprit Elend tandis qu’ils marchaient, vous devrez m’appeler « milord » à compter de maintenant.

Fatren leva les yeux alors qu’il étudiait nerveusement les koloss qui les entouraient.

— Comprenez-vous ? demanda Elend en croisant son regard.

— Hum… oui. Milord.

Elend hocha la tête, et Fatren le laissa prendre un peu d’avance ainsi que Vin, comme pour témoigner d’une révérence inconsciente. Il ne paraissait pas d’humeur à se rebeller – pour l’heure, il était sans doute soulagé d’être en vie. Peut-être finirait-il par en vouloir à Elend d’avoir pris le contrôle de sa ville mais, à ce moment-là, il ne pourrait pas faire grand-chose. Les gens de Fatren se seraient habitués à la sécurité résultant de leur appartenance à un empire plus grand, et les récits de la mystérieuse prise de contrôle des koloss par Elend – et la façon dont il avait par conséquent sauvé la ville – exerceraient une trop grande influence. Fatren ne régnerait plus jamais.

Avec quelle facilité je commande, se dit Elend. Il y a deux ans à peine, je commettais encore plus d’erreurs que cet homme. Au moins, il a réussi à maintenir la cohésion des habitants de sa ville en temps de crise. J’ai perdu mon trône, jusqu’à ce que Vin le regagne pour moi.

— Je m’inquiète pour toi, dit Vin. Tu étais obligé de commencer la bataille sans moi ?

Elend lui jeta un coup d’œil en biais. Il n’y avait aucun reproche dans sa voix. Rien que de l’inquiétude.

— Je ne savais pas trop quand tu arriverais – ni même si tu allais le faire, répondit-il. L’occasion était tout simplement trop belle. Les koloss avaient marché une journée entière. Nous en avons tué dans les cinq cents avant même qu’ils décident de commencer à attaquer.

— Et l’Inquisiteur ? demanda Vin. Tu te croyais vraiment capable de l’affronter seul ?

— Et toi ? rétorqua Elend. Tu l’as combattu cinq bonnes minutes avant que je puisse te venir en aide.

Vin ne lui répondit pas par l’argument le plus évident – elle était de loin la Fille-des-brumes la plus accomplie des deux. Elle se contenta de marcher en silence. Elle s’inquiétait toujours pour lui, même si elle ne cherchait plus à le protéger de tous les dangers. Son inquiétude comme sa décision de le laisser prendre des risques faisaient partie de son amour pour lui. Et il appréciait sincèrement les deux.

Ils s’efforçaient de passer le plus de temps possible ensemble, mais ce n’était pas toujours envisageable – par exemple, la fois où Elend avait découvert qu’une armée de koloss marchait sur une ville indéfendable alors que Vin était partie transmettre des ordres à Penrod à Luthadel. Elend avait espéré qu’elle regagnerait son camp militaire à temps pour découvrir où il était parti, puis qu’elle lui viendrait en aide, mais il n’avait pas pu attendre. Pas alors que des milliers de vies étaient en jeu.

Des milliers de vies… et bien davantage.

Ils atteignirent enfin les portes. Un groupe de soldats qui étaient arrivés trop tard au combat ou avaient eu trop peur de charger se tenait au sommet du rempart, baissant les yeux vers eux avec une expression de crainte mêlée de respect. Plusieurs milliers de koloss étaient passés malgré les hommes d’Elend et avaient tenté d’attaquer la ville. Ils se tenaient à présent immobiles – sur son ordre muet – et patientaient devant le rempart.

Les soldats ouvrirent les portes pour laisser entrer Vin, Elend, Fatren et l’unique serviteur koloss de Vin. La plupart toisèrent le koloss de Vin d’un air méfiant – à raison. Elle lui ordonna de déposer l’Inquisiteur mort, puis de les suivre alors qu’ils remontaient tous trois la rue recouverte de cendres. D’après la philosophie de Vin, mieux valait qu’un maximum de gens voient les koloss et s’habituent à ces créatures. Ils en auraient alors moins peur, et il leur serait plus facile de se battre s’ils devaient affronter d’autres koloss.

Ils approchèrent bientôt du bâtiment du Ministère qu’Elend avait inspecté à son arrivée dans la ville. Le koloss de Vin s’avança et entreprit d’arracher les planches qui condamnaient les portes.

— Le bâtiment du Ministère ? demanda Fatren. À quoi bon ? Nous l’avons déjà fouillé.

Elend le toisa.

— Milord, ajouta Fatren avec un temps de retard.

— Le Ministère d’Acier était directement lié au Seigneur Maître, répondit Elend. Ses obligateurs étaient ses yeux dans tout l’empire et, à travers eux, il contrôlait la noblesse, surveillait le commerce et s’assurait du maintien de l’orthodoxie.

Le koloss tira brusquement sur la porte. Elend entra, brûlant de l’étain pour renforcer sa vue dans la pénombre. Vin, qui faisait manifestement de même, n’eut guère de mal à se frayer un chemin à travers les planches brisées et les meubles qui jonchaient le sol. Apparemment, les hommes de Fatren ne s’étaient pas contentés de « fouiller » l’endroit – ils l’avaient saccagé.

— Ouais, je suis au courant pour les obligateurs, répondit Fatren. Il n’y en a aucun ici, milord. Ils sont partis avec les nobles.

— Les obligateurs s’occupaient de certains projets très importants, Fatren, déclara Elend. Comme tenter de découvrir l’usage de nouveaux métaux allomantiques, ou chercher des lignées pures de sang terrisien pour la reproduction. L’un de leurs projets nous intéresse tout particulièrement.

— Ici, leur lança Vin qui se tenait près d’une forme intégrée au sol – une trappe cachée.

Fatren regarda derrière lui vers la lumière du jour, regrettant peut-être de ne pas avoir emmené quelques soldats. Près de la trappe, Vin alluma une lanterne qu’elle s’était procurée quelque part. Dans l’obscurité d’un sous-sol, même l’étain ne permettrait pas d’y voir. Vin ouvrit la trappe et ils descendirent l’échelle. Elle débouchait sur une cave à vin.

Elend s’avança jusqu’au milieu de la petite cave et l’étudia tandis que Vin entreprenait d’inspecter les murs.

— J’ai trouvé, dit-elle l’instant d’après, cognant du poing une partie bien précise du mur.

Elend la rejoignit. Il y avait effectivement une mince fente dans la pierre, à peine visible. Brûlant de l’acier, Elend distingua deux faibles lignes désignant des plaques métalliques cachées derrière la pierre. Deux lignes plus soutenues désignaient un point derrière lui, une large plaque métallique intégrée au mur, solidement fixée à la pierre par d’énormes boulons.

— Prêts ? demanda Vin.

Elend hocha la tête et attisa son fer. Ils exercèrent tous deux une Traction sur la plaque cachée dans le mur de pierre, prenant appui en tirant sur les plaques du mur du fond.

Ce n’était pas la première fois que la prévoyance du Ministère impressionnait Elend. Comment aurait-il pu deviner qu’un groupe de skaa prendrait un jour le contrôle de cette ville ? Et cependant, cette plaque n’avait pas simplement été cachée – elle avait été conçue de telle sorte que seul un allomancien puisse l’ouvrir. Elend continua à tirer dans les deux sens à la fois, avec l’impression d’être écartelé entre deux chevaux. Il disposait heureusement du pouvoir du potin pour renforcer son corps et l’empêcher d’être écartelé. Près de lui, Vin haletait d’effort, et un pan du mur s’ouvrit bientôt en glissant dans leur direction. Personne n’aurait jamais pu enfoncer une telle épaisseur de pierre, et seul un effort pénible et prolongé aurait permis de passer. Mais grâce à l’allomancie, ils l’ouvrirent en quelques instants.

Enfin, ils relâchèrent prise. Vin soupira d’épuisement, et Elend comprit que ça lui avait demandé plus d’efforts qu’à lui. Il lui semblait parfois n’avoir aucune raison d’être plus puissant qu’elle – après tout, il était allomancien depuis beaucoup moins longtemps.

Vin reprit sa lanterne et ils pénétrèrent dans la pièce désormais ouverte. Comme les deux autres qu’Elend avait vues, cette grotte était énorme. Elle s’étirait au loin, au point que leur lanterne ne perturbait qu’à peine les ténèbres. Fatren eut le souffle coupé lorsqu’il les rejoignit. La pièce était remplie d’étagères. Par centaines. Par milliers.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda Fatren.

— De la nourriture, répondit Elend. Et des fournitures de base. Des médicaments, des vêtements, de l’eau.

— Quelle abondance, commenta Fatren. Et c’était ici depuis tout ce temps…

— Allez chercher d’autres hommes, ordonna Elend. Des soldats. Nous aurons besoin qu’ils gardent l’entrée, pour empêcher les gens de s’infiltrer ici et de voler les réserves.

L’expression de Fatren durcit.

— Cet endroit appartient à mon peuple.

— À mon peuple, Fatren, corrigea Elend en regardant Vin s’avancer dans la pièce, emportant la lumière avec elle. Cette ville m’appartient désormais, ainsi que tout ce qu’elle contient.

— Vous êtes venus nous voler, l’accusa Fatren. Exactement comme les bandits qui ont tenté de s’emparer de la ville l’an dernier.

— Non, répondit Elend en se retournant vers l’homme aux habits tachés de suie. Je suis venu vous conquérir. C’est différent.

— Je ne vois pas en quoi.

Elend serra les dents pour ravaler une repartie cinglante – l’épuisement lié au gouvernement d’un empire qui paraissait condamné le rendait fréquemment irascible ces temps-ci. Non, se dit-il. Les hommes comme Fatren ont besoin de bien plus qu’un nouveau tyran. Il leur faut quelqu’un qu’ils puissent admirer.

Elend s’approcha de l’homme et s’abstint volontairement d’utiliser l’allomancie sur lui. L’Apaisement était efficace dans bien des situations, mais ses effets s’estompaient rapidement. Ce n’était pas une méthode permettant de s’assurer des alliés permanents.

— Lord Fatren, reprit Elend. Je veux que vous réfléchissiez soigneusement à ce que vous me demandez. Que se passerait-il si je vous abandonnais bel et bien ? Avec toute cette nourriture, toutes ces richesses ? Faites-vous confiance à votre peuple pour ne pas entrer ici, à vos soldats pour ne pas essayer d’en vendre une partie aux autres villes ? Accueillerez-vous les milliers de réfugiés qui arriveront ? Les protégerez-vous, ainsi que cette grotte, contre les pillards et les bandits qui viendront plus tard ?

Fatren ne répondit pas.

Elend lui posa la main sur l’épaule.

— J’étais sincère tout à l’heure, lord Fatren. Vos hommes se sont bien battus – ils m’ont beaucoup impressionné. C’est à vous qu’ils doivent leur réussite d’aujourd’hui : votre prévoyance, votre entraînement. Il y a quelques heures à peine, ils s’attendaient à être massacrés par les koloss. À présent, ils sont non seulement en sécurité, mais sous la protection d’une armée beaucoup plus grande.

» Ne cherchez pas à résister. Vous vous êtes bien battus, mais il est temps de vous faire des alliés. Je ne souhaite pas vous mentir : je vais m’emparer du contenu de cette grotte, que vous me résistiez ou non. Cependant, je compte vous accorder la protection de mes armées, la stabilité de mes réserves de nourriture, et ma parole d’honneur que vous pourrez continuer à diriger votre peuple sous mon autorité. Nous devons collaborer, lord Fatren. C’est le seul moyen pour nous tous de survivre aux quelques années à venir.

Fatren leva les yeux.

— Vous avez raison, bien sûr, dit-il. Je vais aller chercher les hommes que vous demandiez, milord.

— Merci, répondit Elend. Et si vous avez quelqu’un qui sache écrire, envoyez-le-moi. Nous allons dresser l’inventaire de tout ce qui se trouve ici.

Fatren hocha la tête, puis s’en alla.

— À une époque, tu n’étais pas capable de faire ça, commenta Vin, un peu plus loin, dont la voix résonnait dans la grotte.

— Quoi donc ?

— Donner des ordres aussi énergiques à quelqu’un, dit-elle. Lui reprendre le contrôle. Tu aurais voulu faire voter ces gens pour leur demander s’ils devaient ou non rejoindre ton empire.

Elend se retourna vers l’entrée. Il resta un moment debout en silence. Bien qu’il n’ait pas recouru à l’allomancie émotionnelle, il avait le sentiment d’avoir forcé la main à Fatren.

— Parfois, Vin, je ne suis pas très fier de moi. Il devrait y avoir un autre moyen.

— Il n’y en a pas pour l’instant, répondit Vin en s’approchant de lui pour poser la main sur son bras. Ils ont besoin de toi, Elend. Tu le sais bien.

Il hocha la tête.

— Je sais. Mais je ne peux m’empêcher de penser qu’un homme meilleur aurait trouvé un moyen de concilier son autorité avec la volonté du peuple.

— C’est ce que tu as fait, répondit-elle. Ton assemblée parlementaire exerce toujours le pouvoir à Luthadel, et les royaumes sur lesquels tu règnes respectent les droits fondamentaux et les privilèges des skaa.

— Ce sont des compromis, répondit Elend. Ils ne font ce qu’ils veulent que dans la mesure où je ne suis pas, moi, en désaccord avec eux.

— C’est suffisant. Il faut que tu sois réaliste, Elend.

— Quand nous nous réunissions, mes amis et moi, c’était toujours moi qui parlais de rêves parfaits, des grandes choses que nous accomplirions. C’était toujours moi, l’idéaliste.

— Les empereurs n’ont pas ce luxe, répondit calmement Vin.

Elend la regarda puis se détourna en soupirant.

 

Vin observait Elend à la lumière froide que la lanterne diffusait dans la grotte. Elle détestait voir chez lui un tel regret, un tel… désenchantement. D’une certaine façon, ses problèmes actuels paraissaient pires encore que le manque de confiance en lui contre lequel il luttait autrefois. Il paraissait se considérer comme un bon à rien malgré toutes ses réussites.

Et cependant, il ne s’autorisait pas à se vautrer dans cet échec. Il continuait d’avancer, œuvrant malgré ses regrets. Il était plus dur qu’autrefois. Ce qui n’était pas forcément une mauvaise chose. L’ancien Elend était un homme que beaucoup ne prenaient pas au sérieux – un génie qui possédait des idées extraordinaires mais guère de capacités à diriger les hommes. Malgré tout, Vin regrettait une partie de ce qu’il avait perdu. Cet idéalisme si simple. Elend restait un optimiste, ainsi qu’un érudit, mais ces deux qualités paraissaient tempérées par ce qu’il avait été contraint de subir.

Elle le regarda longer l’une des étagères et passer un doigt dans la poussière. Il leva ce doigt, l’inspecta un instant puis le fit claquer, soulevant un petit nuage de poussière. La barbe lui donnait l’air plus rude – comme le chef militaire qu’il était devenu. Une année d’entraînement sévère à l’allomancie et à l’épée avait renforcé son corps, au point qu’il avait dû faire retailler ses uniformes. Celui qu’il portait à présent était toujours sali par le combat.

— Cet endroit est incroyable, non ? demanda Elend.

Vin se retourna pour scruter la pénombre de la grotte d’entreposage.

— Sans doute.

— Il savait, Vin, déclara Elend. Le Seigneur Maître. Il se doutait que ce jour arriverait – un jour où les brumes reviendraient et où la nourriture se ferait rare. C’est pour ça qu’il avait préparé ces réserves.

Vin le rejoignit près d’une étagère. Les grottes précédentes lui avaient appris que la nourriture serait toujours bonne, traitée en grande partie dans les conserveries du Seigneur Maître, et le resterait encore longtemps. La quantité contenue dans cette caverne pouvait nourrir cette ville pendant des années. Malheureusement, Elend et Vin devaient se soucier de bien plus qu’une seule ville.

— Imagine les efforts que ça a dû nécessiter, dit Elend en retournant dans sa main une conserve de ragoût de bœuf. Il devait remplacer régulièrement cette nourriture au bout de plusieurs années, passer son temps à entreposer de nouvelles réserves. Et il l’a fait pendant des siècles, à l’insu de tous.

Vin haussa les épaules.

— Ce n’est pas si dur de garder des secrets quand on est un empereur-dieu servi par un clergé fanatique.

— Oui, mais tous ces efforts… l’ampleur de tout ça… (Elend marqua une pause et regarda Vin.) Tu sais ce que ça signifie ?

— Quoi donc ?

— Le Seigneur Maître pensait qu’on pouvait le battre. L’Insondable, cette créature que nous avons relâchée. Le Seigneur Maître pensait qu’elle pouvait finir par gagner.

Vin ricana.

— Pas forcément, Elend.

— Alors pourquoi se donner tout ce mal ? Il a dû penser qu’il n’était pas inutile de se battre.

— Les gens se battent, Elend. Même une bête en train d’agoniser fera n’importe quoi pour rester en vie.

— Mais tu dois reconnaître que ces grottes sont un signe encourageant, insista Elend.

— Encourageant ? répéta calmement Vin en s’approchant de lui. Elend, je sais que tu essaies simplement de trouver de l’espoir dans tout ça, mais en ce moment j’ai du mal à voir des signes « encourageants » où que ce soit. Tu dois reconnaître que le soleil s’assombrit. Qu’il devient plus rouge. C’est encore pire ici, dans le Sud.

— En fait, répondit Elend, je doute que le soleil ait changé. Ça doit être lié à toute cette cendre et cette fumée dans l’air.

— C’est encore un autre problème, déclara Vin. La cendre tombe presque en permanence désormais. Les gens ont du mal à garder les rues dégagées. Elle voile la lumière, elle assombrit tout. Même si les brumes ne tuent pas les cultures de l’an prochain, la cendre le fera. L’avant-dernier hiver – celui où nous avons combattu les koloss à Luthadel –, c’était la première fois que je voyais neiger dans le Dominat Central, et c’était pire le dernier hiver. On ne peut pas affronter ces choses-là, Elend, quelle que soit la taille de notre armée !

— Qu’est-ce que tu attends que je fasse, Vin ? demanda Elend, reposant brutalement la conserve de ragoût sur l’étagère. Les koloss se rassemblent dans les Dominats Externes. Si on ne bâtit pas nos défenses, notre peuple ne va même pas survivre assez longtemps pour mourir de faim.

Vin secoua la tête.

— Les armées, c’est du court terme. Ça, dit-elle en désignant la grotte d’un geste de la main, c’est du court terme. Qu’est-ce que nous sommes en train de faire ici ?

— De survivre. Kelsier disait…

— Kelsier est mort, Elend ! lâcha Vin d’une voix brusque. Je suis la seule à y voir de l’ironie ? On l’appelle le Survivant, mais c’est celui qui n’a pas survécu ! Il s’est volontairement transformé en martyr. Il s’est suicidé. En quoi est-ce que c’est de la survie ?

Elle resta un moment immobile à toiser Elend en respirant très fort. Il la regarda fixement, visiblement guère impressionné par cet accès de colère.

Qu’est-ce que je suis en train de faire ? se demanda Vin. J’étais en train de me dire à quel point j’admirais son espoir. Pourquoi me disputer avec lui maintenant ?

Ils étaient tellement à cran, l’un comme l’autre.

— Je n’ai pas de réponses à t’offrir, Vin, répondit Elend depuis l’obscurité de la grotte. Je n’ai pas la moindre idée de la manière dont on peut combattre quelque chose comme la brume. Les armées, en revanche, je peux les affronter. Ou du moins, j’apprends à le faire.

— Je suis désolée, dit Vin en se détournant. Je ne voulais pas qu’on se dispute encore. Mais c’est tellement frustrant.

— On progresse, insista Elend. On va trouver un moyen, Vin. On va survivre.

— Tu crois vraiment qu’on va y arriver ? demanda-t-elle en se retournant pour le regarder dans les yeux.

— Oui, répondit-il.

Elle le crut. Il avait de l’espoir et en aurait toujours. C’était l’une des principales raisons qui la poussaient à l’aimer.

— Viens, dit Elend en lui posant la main sur l’épaule. Allons chercher ce pour quoi nous sommes venus.

Vin le suivit, laissant son koloss derrière elle, et ils s’enfoncèrent dans les profondeurs de la grotte alors qu’ils entendaient des pas dehors. Il y avait plus d’une raison s’ils étaient venus là. La nourriture et les fournitures – dont ils longeaient des étagères entières – étaient importantes. Mais il y avait autre chose.

Une grande plaque de métal était fixée au mur du fond de la grotte grossièrement taillée. Vin lut tout haut les mots qui y étaient inscrits.

— « Voici le dernier métal dont je vais vous parler, lut-elle. J’ai du mal à en déterminer l’usage. Il permet, d’une certaine manière, de voir le passé. Ce que quelqu’un aurait pu être, et ce qu’il aurait pu devenir, s’il avait fait des choix différents. D’une manière grandement comparable à l’or, à la différence près qu’il s’applique aux autres.

» Lorsque vous lirez ces lignes, il est probable que la brume sera revenue. Elle est infecte et odieuse. Méprisez-la. Ne vous aventurez pas en son sein. Elle cherche à nous détruire tous. En cas de problème, sachez que vous pouvez contrôler les koloss et les kandra en demandant à plusieurs personnes d’exercer une Poussée simultanée sur leurs émotions. J’ai créé cette faiblesse en eux quand je les ai conçus. Gardez judicieusement ce secret. »

En dessous figurait une liste de composés allomantiques de métaux, parmi lesquels Vin en reconnut un qui lui était déjà familier. C’était l’alliage d’atium qu’on baptisait malatium – le Onzième Métal de Kelsier. Alors le Seigneur Maître était bel et bien au courant de son existence. Simplement, son utilité le laissait aussi perplexe que les autres.

Cette plaque, bien entendu, avait été rédigée par le Seigneur Maître. Ou du moins, il en avait ordonné la rédaction. Chacune des cachettes précédentes comportait également des informations gravées dans l’acier. À Urteau, par exemple, elle avait appris l’existence de l’électrum. Dans celle de l’est, ils avaient trouvé une description de l’aluminium – même s’ils connaissaient déjà l’utilité de ce métal.

— Ça ne nous apprend pas grand-chose, dit Elend, l’air déçu. Nous connaissions déjà le malatium et la méthode pour contrôler les koloss. Cela dit, je n’avais jamais pensé demander à plusieurs Apaiseurs d’exercer une Poussée simultanée. Ça pourrait se révéler utile.

Jusque-là, ils croyaient que seul un Fils-des-brumes brûlant du duralumin était capable de contrôler un koloss.

— Aucune importance, répondit Vin en désignant l’autre côté de la plaque. Nous avons ça.

L’autre moitié comportait une carte gravée dans l’acier, semblable à celles qu’ils avaient trouvées dans les trois autres grottes d’entreposage. Elle représentait l’Empire Ultime, divisé en dominats. Luthadel était un carré tout au centre. À l’ouest, une croix désignait ce qu’ils étaient venus chercher ici en premier lieu : l’emplacement de la dernière grotte.

Ils pensaient qu’il y en avait cinq. Ils avaient trouvé la première en dessous de Luthadel, près du Puits de l’Ascension. Elle leur avait indiqué l’emplacement de la deuxième, à l’est. La troisième se trouvait à Urteau – Vin avait réussi à s’infiltrer dans celle-là, mais ils n’avaient pas encore pu y récupérer la nourriture. Elle les avait conduits à celle-ci, au sud.

Chaque carte comportait deux chiffres – un cinq ainsi qu’un chiffre inférieur. Luthadel était le numéro un. Celle-ci, le numéro quatre.

— Voilà, déclara Vin en passant les doigts le long des inscriptions gravées sur la plaque. Dans le Dominat Occidental, comme tu l’avais deviné. Dans les environs de Chardees ?

— Fadrex, répondit Elend.

— La ville de Cett ?

Elend hocha la tête. Il connaissait bien mieux la géographie qu’elle.

— Alors c’est là, dit Vin. C’est là qu’on le trouvera.

Elend croisa son regard, et elle sut qu’il la comprenait. Les cachettes s’étaient progressivement révélées de plus en plus grandes et de plus en plus précieuses. Chacune possédait également un aspect qui lui était propre – la première contenait des armes en plus des autres fournitures, tandis que la deuxième renfermait de grandes quantités de bois de charpente. L’exploration de chaque nouvelle cachette les rendait de plus en plus impatients de découvrir ce que contiendrait la dernière. Sans doute quelque chose de spectaculaire. Voire même ce qu’ils espéraient tant.

La cachette d’atium du Seigneur Maître.

C’était le trésor le plus précieux de tout l’Empire Ultime. Malgré des années de recherches, personne ne l’avait jamais localisé. Certains affirmaient qu’il n’existait pas. Mais Vin avait le sentiment qu’il existait forcément. Bien qu’il ait passé mille ans à contrôler l’unique mine qui produisait ce métal rarissime, l’empereur n’avait laissé qu’une infime portion de cet atium pénétrer dans l’économie. Personne ne savait ce que le Seigneur Maître avait fait de la portion plus grande qu’il avait conservée pour lui-même pendant tous ces siècles.

— Ne te fais pas trop d’idées quand même, dit Elend. Nous n’avons aucune preuve que nous trouverons l’atium dans cette dernière grotte.

— Il y est forcément, insista Vin. C’est logique. Où est-ce que le Seigneur Maître pourrait conserver son atium, sinon ?

— Si j’avais la réponse, nous l’aurions déjà trouvé.

Vin secoua la tête.

— Il l’a caché en lieu sûr, mais à un endroit où on finirait par le trouver. Il a laissé ces cartes en guise d’indices à ses successeurs, au cas où il serait vaincu d’une manière ou d’une autre. Il ne voulait pas qu’un ennemi qui découvrirait l’une des grottes puisse les trouver toutes immédiatement.

Une piste d’indices menant à une cachette finale. La plus importante. C’était logique. Il le fallait. Mais Elend ne paraissait pas convaincu. Il frotta son menton barbu, étudiant la plaque qui reflétait la lueur de leur lanterne.

— Même si nous le trouvons, dit-il, je ne crois pas que ça nous aidera beaucoup. À quoi nous servirait l’argent désormais ?

— C’est plus que de l’argent, répondit-elle. C’est le pouvoir. Une arme dont on peut se servir pour se battre.

— Contre les brumes ?

Vin garda le silence.

— Peut-être pas, dit-elle enfin. Mais contre les koloss et les autres armées. Avec cet atium, ton empire devient sûr… Et puis l’atium est une partie de cet ensemble, Elend. Il n’a de valeur qu’à cause de l’allomancie – mais elle n’existait pas avant l’Ascension.

— Encore une question sans réponse, dit Elend. Pourquoi cette pépite de métal que j’ai avalée m’a-t-elle transformé en Fils-des-brumes ? D’où venait-elle ? Pourquoi se trouvait-elle au Puits de l’Ascension, et qui l’avait placée là ? Pourquoi n’en restait-il qu’une, et qu’est-il arrivé aux autres ?

— Peut-être qu’on découvrira les réponses une fois qu’on aura pris Fadrex, répondit Vin.

Elend hocha la tête. Elle voyait bien qu’il considérait les informations contenues dans les cachettes comme la raison la plus importante de les rechercher, suivie de près par les fournitures. Lui considérait la possibilité de trouver de l’atium comme relativement négligeable. Elle ignorait d’où lui venait la certitude qu’il se trompait à cet égard. L’atium était très important. Elle le savait, tout simplement. Le désespoir qu’elle éprouvait un peu plus tôt s’estompa tandis qu’elle parcourait la carte. Ils devaient se rendre à Fadrex. Elle le savait.

Les réponses se trouveraient là-bas.

— Ce ne sera pas facile de prendre Fadrex, observa Elend. Les ennemis de Cett s’y sont retranchés en masse. J’ai entendu dire qu’un ancien obligateur du Ministère les dirigeait.

— L’atium en vaudra la peine, répondit Vin.

— À supposer qu’il s’y trouve, dit Elend.

Elle lui lança un regard noir. Il leva la main.

— J’essaie simplement de faire ce que tu m’as demandé, Vin : me montrer réaliste. Cela dit, je suis d’accord, Fadrex en vaudra la peine. Même si l’atium ne se trouve pas là-bas, nous avons besoin des provisions que contiendra cette réserve. De ce que le Seigneur Maître nous a laissé.

Vin acquiesça. Elle-même ne possédait plus d’atium. Elle avait brûlé leurs dernières réserves un an et demi auparavant et ne s’était jamais habituée à se sentir aussi exposée sans lui. L’électrum apaisait légèrement cette peur, mais pas totalement.

Des voix leur parvinrent de l’autre côté de la grotte. Elend se retourna.

— Je ferais mieux d’aller leur parler, dit-il. Nous allons devoir tout organiser très rapidement ici.

— Tu leur as dit que nous allons devoir les ramener à Luthadel ?

Elend secoua la tête.

— Ça ne va pas leur plaire, dit-il. Ils deviennent indépendants, comme je l’avais toujours espéré.

— Il faut que ce soit fait, Elend, répondit Vin. Cette ville se trouve largement en dehors de notre périmètre défensif. Et puis il ne doit plus rester que quelques heures de lumière du jour sans brumes à cette distance. Leurs cultures sont déjà condamnées.

Elend hocha la tête, mais il continuait à regarder fixement l’obscurité.

— J’arrive ici, je prends le contrôle de leur ville, je m’empare de leur trésor, puis je les oblige à abandonner leur foyer. Et d’ici, nous allons à Fadrex conquérir une autre population.

— Elend…

Il leva la main.

— Je sais, Vin. Il faut que ce soit fait.

Il se retourna et regagna l’entrée en laissant la lanterne. Ce faisant, il se redressa et son expression se raffermit.

Vin reporta son attention sur la plaque et relut les paroles du Seigneur Maître. Sur une autre plaque, très semblable à celle-ci, Sazed avait trouvé les paroles de Kwaan, le Terrisien mort depuis longtemps qui avait changé le monde en affirmant avoir découvert le Héros des Siècles. Kwaan avait laissé ce témoignage pour confesser ses erreurs et mettre en garde contre une force qui s’efforçait de modifier l’histoire et les religions de l’humanité. Il redoutait que cette force ait corrompu la religion terrisienne afin de pousser un « Héros » à venir au nord la libérer.

C’était exactement ce qu’avait fait Vin. Elle s’était autoproclamée héroïne et avait relâché l’ennemi – croyant pendant tout ce temps qu’elle sacrifiait ses propres besoins pour le bien du monde.

Elle passa les doigts le long de la large plaque.

Nous avons bien plus à faire que nous contenter de livrer des guerres ! se dit-elle, furieuse contre le Seigneur Maître. Si vous en saviez tellement, pourquoi ne pas nous avoir laissé plus que ça ? Une poignée de cartes dans des lieux éparpillés remplis de provisions ? Quelques paragraphes pour nous parler de métaux quasiment inutiles ? À quoi sert une grotte remplie de nourriture quand on a un empire entier à nourrir ?

Vin s’interrompit. Ses doigts – rendus bien plus sensibles par l’étain qu’elle brûlait pour affiner sa vue dans cette grotte obscure – frôlèrent des sillons dans la surface de la plaque. Elle s’agenouilla, se pencha plus près et découvrit une brève inscription gravée dans le métal, tout en bas, en lettres bien plus petites que celles du dessus.

Prenez garde à ce que vous formulez tout haut, lut-elle. Il peut entendre ce que vous dites. Et lire ce que vous écrivez. Seules vos pensées sont sûres.

Vin frissonna.

Seules vos pensées sont sûres.

Qu’avait appris le Seigneur Maître lors de ses moments de transcendance ? Qu’avait-il éternellement conservé dans ses pensées, sans jamais l’écrire de peur de révéler son savoir, en croyant que ce serait lui qui prendrait le pouvoir à son retour ? Avait-il prévu d’utiliser ce pouvoir pour détruire la créature que Vin avait libérée ?

Vous venez de vous condamner… Les derniers mots du Seigneur Maître, prononcés juste avant que Vin lui plante la lance en plein cœur. Il savait. Même alors – avant que les brumes commencent à sortir en plein jour, avant qu’elle commence à entendre les étranges vibrations qui l’avaient conduite au Puits de l’Ascension – même alors, ces mots l’avaient inquiétée.

Prenez garde à ce que vous formulez tout haut… Seules vos pensées sont sûres.

Il faut que je découvre ce que ça veut dire. Il faut que j’établisse des liens avec ce qu’on sait déjà, pour trouver un moyen de battre – par force ou par ruse – ce que j’ai libéré.

Et je ne peux en parler à personne, sinon il saura ce que je prépare.

Le héros des siècles
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